Alternatives au S-métolachlore : vers un changement de système agricole

Quelles alternatives à l’utilisation des S-métolachlore ? Les produits phytosanitaires contenant du S-métolachlore sont très utilisés dans l’agriculture conventionnelle. Ils vont être interdits le 23 avril 2024. Différentes techniques plus ou moins efficaces à court, moyen et long terme existent, mais pour faire abstraction totale du S-métolachlore et des autres produits phytosanitaires dans les cultures, il va falloir trouver des solutions à plus grande échelle. 

Le S-métolachlore est très utilisé dans l’agriculture. ©DR

Le S-métolachlore est une substance herbicide très utilisée dans l’agriculture conventionnelle pour traiter les adventices dans les champs de maïs, soja, betterave. Un de ses métabolites, l’ESA-métolachlore est l’un des principaux responsables de la pollution de l’eau potable. Une enquête conjointe de France Info et Le Monde révélait qu’en 2021, 40 % des Bretons ont bu de l’eau potable contaminée par ces résidus de pesticides. Face à ces chiffres alarmants, les États membres de l’Union européenne ont voté le retrait des produits phytosanitaires contenant du S-métolachlore avant le 23 avril 2024. 

Remplacer le S-métolachlore par d’autres produits phytosanitaires est une alternative chimique mise en place dans le modèle agricole conventionnel pour continuer de désherber. Le Diméthénamide-P est le produit herbicide qui remplace principalement le S-métolachlore, mais ce n’est pas une alternative plus écologique pour autant.

Dans un article de Reporterre, Régis Taisne, spécialiste sur la question des pesticides en milieu aquatique, note la présence de métabolite du DMTA-P dans nos eaux “[…] On commence à retrouver ces substances dans l’eau, certes en petites quantités. Mais certaines seront peut-être à leur tour classées comme pertinente dans quelque temps”. Une deuxième solution peut être d’allier le désherbage chimique, de façon localisé, au désherbage mécanique. C’est la méthode mixte. Le souci est que, même si ce système diminue la quantité et le type de pesticides utilisés, le procédé reste chimique et l’on retrouve des métabolites dans les eaux. D’autant plus que ce type d’agriculture dit “de précision” n’est pas envisageable sur tous les types d’exploitation, notamment à cause des coûts et de la logistique qu’elle nécessite : l’utilisation de drones ou d’outils technologiques pour cibler les zones à traiter chimiquement.  

« Les pesticides ne sont pas automatiques »

Ne plus utiliser de produit phytosanitaire dans l’agriculture, c’est possible selon Pascal Hervé, vice-président à la métropole de Rennes en charge de l’eau et de la biodiversité. Il assure que “les pesticides ne sont pas automatiques. Ce sont des moyens mis en place pour combattre les dérèglements sur les cultures, mais il faut retravailler le modèle agronomique pour apporter une solution durable et remplacer l’usage des produits phytosanitaires comme le S-métolachlore par des techniques moins polluantes. Ce peut être grâce au désherbage mécanique”.

Au Luxembourg, où le S-métolachlore est interdit depuis 2015, l’État encourage le passage au désherbage mécanique en soutenant financièrement les agriculteurs. Les syndicats d’eau luxembourgeois se sont dotés d’engins adaptés (bineuse, herse à étrilles…), mis à disposition des agriculteurs, et les locations de matériel auprès des prestataires sont remboursées par l’État. Un rapport de l’Inrae publié en 2022, conclut qu’il n’y a pas de surcoût à l’utilisation de cette méthode par rapport à des méthodes de désherbage chimique. Mais le recours au désherbage mécanique est limité pour certains types de culture comme la betterave. 

Le désherbage naturel est la solution la plus écologique. C’est en découvrant cette méthode qu’Emmanuel, agriculteur en Ille-et-Vilaine, est passé depuis huit ans au biologique, après avoir travaillé dix ans en agriculture intensive. “J’ai fait passer mon exploitation en agriculture biologique. En deux ans, j’ai gagné en qualité de production sur la ferme. Certes, c’est plus contraignant au niveau de l’organisation, mais bon… nos terres sont meilleures et l’environnement y est moins pollué.

Pour évaluer la solution la plus durable et écologique, les scientifiques, les représentants politiques, les agriculteurs et les coopératives sont réunis par le Creseb au sein du projet breton : Envezh. Ces acteurs, dont Eureden producteur des petits pois Daucy, discutent pour emmener l’agriculture conventionnelle vers une agriculture agroécologique. Le Laboratoire d’étude et de recherche en environnement santé (LERES), participe à ces échanges pour mesurer l’impact des pesticides sur la qualité de l’eau. Son directeur, Vincent Bessonneau, s’enthousiasme de l’accueil du projet : “Les agriculteurs viennent vers nous, car ils se rendent compte des dégâts de ces produits [phytosanitaires] sur la biodiversité. Mais certains sont trop engagés auprès des coopératives, syndicats pour que ce passage d’une agriculture chimique à une agriculture écologique s’effectue rapidement.”

Les méthodes alternatives, le désherbage mixte ou mécanique, n’apparaissent alors pas comme des solutions à long terme. Seul un changement au niveau systémique semble résoudre durablement les problèmes de contamination des eaux et des sols. Pour que les effets d’un changement de système transparaissent sur la qualité de l’eau, il faudra attendre encore trente ans afin que l’ensemble des métabolites aient disparu.

Pierre Jagline et Tiffany Santini

Désherbage mécanique, naturel, chimique ou mixte, on vous explique tout en images :

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