De nombreuses molécules chimiques sont présentes dans l’eau potable. Parmi elles, des résidus de pesticides comme l’Esa-métolachlore, qui doivent rester sous un seuil de dangerosité. Comment sont-elles contrôlées ?

Qu’est-ce que l’on contrôle ?
La qualité de l’eau ! Sa couleur, son taux de concentration en chlore, mais aussi les résidus de pesticides. Ces derniers sont en partie responsables des dépassements de seuils de conformité pour l’eau potable. La liste des molécules recherchées est établie dans un arrêté ministériel daté de 2007 et modifié en 2022, avec l’ajout de nouvelles molécules suite à de nouvelles études de dangerosité. C’est donc le ministère de la santé qui établit ce qu’il faut contrôler. De là, l’ARS, l’agence régionale de santé, transmet aux laboratoires les plans de contrôle incluant jusqu’à 250 molécules en Bretagne. L’ESA-métolachlore est l’un d’eux. Ce résidu de pesticide ne doit pas dépasser 0,9 μg/l, un seuil au-delà duquel l’Anses considère que l’eau n’est pas conforme. Auparavant, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation considérait quette molécule était plus préocuppante, et ne devait pas dépasser 0,1μg/l.
Qui est choisi pour effectuer les contrôles ?
Ce sont les laboratoires agréés COFRAC, organisme d’accréditation reconnu. Pour choisir quel laboratoire réalisera les contrôles sur les eaux destinées à la consommation humaine, l’ARS lance des appels d’offres. Les conditions sont claires : le contrat dure 5 ans, et le budget est d’environ 700 000€, par an, pour le LERES, le laboratoire rennais qui a été retenu pour contrôler les eaux de l’Ille-et-Vilaine. Le choix du laboratoire se fait notamment sur son équipe, qui doit entre autres assurer des astreintes d’urgence, et sur son équipement, qui ne doit pas risquer de panne ou de soucis logistiques. La machine la moins chère coûtant 250 000€.
Pour les laboratoires qui contrôlent la qualité de l’eau pour l’ARS, c’est une peur constante de ne pas voir leur contrat renouvelé étant dans un marché concurrentiel. Pour parer à cette éventualité, des laboratoires d’analyses développent de plus en plus la recherche pour diversifier leurs sources de financement. Pour Christophe Le Rat, directeur adjoint de la recherche à l’EHESP, l’École des hautes études en santé publique, l’explication est double. “Les marchés publics ne sont pas viables, et nous avons besoin de deux approches pour travailler”. Au LERES, la part des contrôles sanitaires représente 63 % de l’activité et continue de se réduire.
Quelles sont les conditions de prélèvement ?
Si vous habitez Rennes ou Trégrom, votre eau ne sera pas contrôlée à la même fréquence. Pour la capitale bretonne, l’eau du robinet est soumise à environ 270 contrôles de routine, alors que pour une commune de moins de 500 habitants, il y en a que trois ou quatre par an. Si les protocoles sont les mêmes, les molécules recherchées varient selon les endroits, en fonction des demandes de l’ARS.
L’ARS fournit un planning des contrôles aux laboratoires avec les molécules à analyser. S’ensuivent des contrôles inopinés sur les différents points de captage et de traitement. Comme l’explique François Kermorvant, technicien préleveur depuis 12 ans au LERES, “nous nous rendons sur place avec du matériel accrédité, pour lesquelles les valeurs feront foi, faisons un prélèvement d’eau et la répartissons dans différents flacons. Cela nous prend entre 30 et 45 minutes.” Les échantillons sont ensuite amenés au laboratoire pour y être analysés.
Comment se font les analyses ?
Une fois au laboratoire, les échantillons passent par différentes étapes de contrôle. Au pôle chimie du LERES, la responsable, Mari-Vorgan Louyer, explique “nous testons deux méthodes pour déterminer laquelle est la plus efficace avec l’objectif d’avoir les résultats les plus précis possibles”.
Certaines techniques sont réglementées et d’autres, développées par le laboratoire, restent confidentielles. L’ARS fournit les éléments à analyser, en fonction des utilisations locales, des surfaces cultivées et des quantités de pesticides vendus. De là, les résultats sont directement envoyés à cette dernière. Le processus allant du prélèvement à l’obtention des résultats prend au minimum 72 heures en fonction des analyses réalisées.
D’autres contrôles sont effectués de manière plus régulière directement par les usines de traitement ou les syndicats d’eau. La ville de Rennes a, quant à elle, délégué cette compétence à la collectivité eau du bassin rennais.
Selon l’ARS, le nombre de bretons exposés à une eau contaminée par l’ESA-métolachlore est en augmentation de 39,7 % en 2021 à 42,6 % en 2022.
Jade Lelieur, Marine Lecocq, Ozan Bayram