Les risques sanitaires des métabolites sont encore mal connus, car pas assez étudiés. Face à l’incertitude, certains s’en remettent aux seuils réglementaires, d’autres préfèrent la prudence.
Les conséquences de la présence des résidus de pesticides dans l’eau sur la santé humaine sont difficiles à déterminer. Un sujet qui préoccupe chercheurs, politiques, professionnels et associations. “Du point de vue de l’administration sanitaire, les gens peuvent consommer l’eau du robinet sans risque”, explique Romain Pansard, chef du pôle scientifique du Centre des ressources et d’expertise scientifique sur l’eau en Bretagne (Creseb). Très surveillée, l’eau du robinet “est normalement sans danger. Dans la limite des connaissances disponibles aujourd’hui sur les effets sur la santé humaine, les données sanitaires nous indiqueraient plutôt qu’il n’y a pas de danger”, détaille-t-il.
Pas de danger si l’on s’en réfère au respect du seuil réglementaire de l’Anses, fixé à 0,9 microgramme de métabolites dits “non pertinents” par litre d’eau. Le seuil sanitaire, au-delà duquel il y aurait un risque fort pour la santé, est quant à lui fixé à 510 µg/L. Mais les connaissances toxicologiques sont limitées, et le premier seuil “d’alerte” réglementaire est souvent dépassé.
Un manque de recherches
Malgré le respect de ce seuil réglementaire, le manque de recherches scientifiques et d’analyses empêche l’identification précise des effets sanitaires. “Personnellement, je ne connais pas d’étude qui analyse spécifiquement l’effet métabolique de l’exposition à ces petites concentrations de substances dans l’organisme”, affirme ainsi Romain Pansard.
La présence de plusieurs métabolites dans une même eau inquiète également les chercheurs. Les conséquences de cet “effet cocktail” sur l’humain sont, elles aussi, méconnues, car peu étudiées. “On se demande si le cumul de plein de molécules à très faibles doses n’aurait pas d’effet sur la santé”, questionne Romain Pansard.
Prévenir face au doute
Sans preuves attestant d’une absence totale de conséquences sur la santé humaine, certains professionnels de l’eau préfèrent rester prudents. “Pour l’ESA-métolachlore […], on se demande pourquoi l’Anses a passé le seuil de 0,1 µg/L à 0,9 µg/L pour l’eau potable”, questionne Pascal Hervé, vice-président chargé de l’eau à Rennes Métropole et coprésident du Conseil métropolitain de la biodiversité et de l’eau. Il fait référence à la décision, prise en septembre 2022, de déclasser ce métabolite auparavant considéré comme “pertinent”, autorisant ainsi le relèvement du seuil maximal autorisé. “Aujourd’hui, je n’ai aucun élément me permettant de comprendre cette décision. Nous, on est restés à 0,1 µg/L. Même si certains scientifiques nous disent qu’on est loin d’avoir de possibles répercussions sur la santé, on veut être exigeants par principe de précaution. En tant que distributeur d’eau, on se doit d’être le plus strict possible en termes de gestion et de qualité d’eau qu’on va desservir à la population.”
Chara Philippe