PFAS, la goutte d’eau qui fait déborder le vase ?

Nitrates, ammoniaque, métabolite, PFAS, la liste des polluants de l’eau s’allonge, mais celles des solutions pouvant régler le problème à la source reste difficile à remplir. Conséquences : des coûts importants pour certains syndicats d’eau, un casse-tête pour le gouvernement et des réponses scientifiques en décalage avec ce qui est faisable. 

Dans la station de traitement de Trégrom, l’eau est filtrée via une méthode d’ultrafiltration au charbon actif. Objectif : supprimer les métabolites dans l’eau potable. © Pierre Jagline

À Trégrom, la rivière du Léguer serpente dans les vallées. Installée sur les berges, une station de captage se niche dans l’une d’entre elles. La station de traitement à laquelle elle est rattachée appartient au syndicat d’eau de Goas Koll-Traou Long. Sandrine Trédan-Petibon en est la secrétaire générale. 

Lxe mercredi 3 avril, elle a reçu un mail de l’ARS Bretagne l’informant que l’analyse des PFAS, polluants éternels, deviendra obligatoire à partir de janvier 2026. Elle témoigne : “Sur la partie traitement, ça va être des investissements probablement énormes. Tous les ans, on cherche de nouveaux polluants, et, tous les ans, on en découvre. On se demande ce qu’il va y avoir après, c’est inquiétant”. Alors que plusieurs petites stations dans le territoire doivent encore s’adapter au traitement des métabolites et à son coût, les PFAS viennent s’ajouter et requièrent de nouvelles techniques et infrastructures. Par exemple, le système d’ultra filtration, qui a son lot de complications, notamment financières. 

En dépit de cet aspect, le syndicat de Goas Koll-Traou Long ne compte pas délaisser la qualité de son eau. “On va commencer les tests sur les PFAS de manière interne, avant janvier 2026, précise Sandrine Trédan-Petibon. C’est notre manière de nous adapter, mais les factures d’eau ne vont pas baisser.” 

Un problème systémique

 À 150km de Trégrom, dans la ville de Rennes, Jean-Pierre Le Bourhis, chargé de recherche en sciences politiques au CNRS, étudie la façon dont les pouvoirs publics s’emparent des sujets environnementaux. Dans une analyse plus systémique de ce que Sandrine Trédan-Petibon décrit, il parle de solutions “bout du tuyau”. C’est-à-dire, “des solutions qui ne résolvent qu’une partie du sujet. Il ajoute : “Il y a des très gros problèmes qui nécessitent un effort collectif très important. On a un système économique qui produit des nuisances et on essaye de les résoudre une par une, sans penser à un système plus large”. 

L’actualité sur les PFAS fait écho au discours du politiste. Le jeudi 4 avril 2024, l’Assemblée nationale vote justement une proposition de loi faite par Europe-écologie les Verts concernant ces substances chimiques. Plusieurs mesures sont inscrites : une redevance pollueur-payeur, une information du public sur leur exposition, une obligation de contrôle de l’eau par les autorités sanitaires et une interdiction des polluants éternels dans les produits commerciaux. 

Problème : à peine déposée, la proposition de loi pour interdire les PFAS a déjà été amendée pour permettre aux fabricants d’ustensiles de cuisine d’utiliser des polluants éternels dans leurs produits. En cause, une frayeur de voir le marché français perdre de sa compétitivité. Cette proposition de loi ne s’attaque donc plus à la source du problème, les polluants éternels dans les produits du quotidien, mais davantage au bout du tuyau. Ici, le traitement de ces substances chimiques une fois qu’elles sont déjà dans l’eau. 

Deux temporalités incompressibles

Les pollutions et leurs effets sur la santé s’étudient sur du long terme.  Ce temps scientifique mesure les polluants puis essaye de les mettre en lien avec d’éventuelles pathologies. Dans l’Ille-et-Vilaine, c’est le travail du LERES, le laboratoire d’étude et de recherche en environnement et santé. Son directeur, Vincent Bessoneau, explique : “Le temps entre les mesures d’une substance et son potentiel lien avec une pathologie est très long, 10 ans ou plus”. Dans le cas des PFAS, c’est près de 400 substances qui devront être analysées.

Une autre temporalité scientifique rend impossible les solutions immédiates. Trente années s’écoulent entre l’utilisation des produits phytosanitaires et l’arrivée de leurs résidus dans l’eau potable. Cela signifie que même en arrêtant la production de ces derniers, avec des lois comme celles proposées par le groupe écologiste en avril 2024, les effets sur l’eau ne seront tangibles que des décennies plus tard. 

Élisa Boyer et Laure Marty-Anahory

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